J'ai 28 ans (bientôt 29 pour l'éternité. Les 30 ans ne passeront pas par moi, qu'on se le dise !), j'ai des diplomes (5 pour être précise, 7 avec le bac et le brevet des collèges. J'envisagerais de retapisser les toilettes avec si je savais où tous les retrouver), 5 ans et demi d'expérience professionnelle (je dois en être à environ 6 ans et demi de côtisations retraite avec les jobs d'été) et JE M'EMMERDE !
J'ai un peu l'impression de cracher dans la soupe en disant ça car je sais que j'ai de la chance d'avoir un emploi pérenne, de toucher mon salaire à 4 chiffres tous les mois, que plein de gens en chômage longue durée rêveraient d'être à ma place, tout ça tout ça, mais c'est un fait : je n'aime pas ce que je fais et JE M'EMMERDE !
Qu'à cela ne tienne il faut changer ! Pourquoi pas profiter de l'opportunité de changer de secteur géographique (je vais bientôt rejoindre mon amoureux quelque part dans le nord) pour demander une rupture conventionnelle et s'inscrire en interim pour apporter un peu de variété à la vie professionnelle ? Pourquoi pas, par exemple, essayer de travailler dans le milieu du livre, moi qui suis née le nez dans un bouquin ? Ou exploiter ma tendance naturelle à faire copain-copain avec l'informatique, le web ? Ou me lancer dans la déco dont je rêve depuis des années...? Pourquoi pas ?!
A cela une seule réponse : parce que le plan de carrière, my dear, le PLAN DE CARRIERE !
Si l'on adopte une vision assez réductrice de la chose, on pourrait dire que sans plan de carrière on n'est rien ! Le monde du travail c'est marche ou crève, c'est mieux de marcher, même si c'est pénible. Toute ta vie doit être tournée vers l'accomplissement ultime : l'obtention d'une retraite confortable bien méritée que tu n'auras probablement pas vu la tendance actuelle à la fonte des capitaux dédiés, au recul de l'âge de départ et la probabilité que tu meures d'épuisement au travail avant de pouvoir y prétendre. Mais tu auras eu une belle carrière !
Tout cela semble d'une logique imparable et quelque part je me sens un peu coupable d'envisager de me détourner du droit chemin. Mes parents m'ont inculqué cette façon de penser et je ne peux m'empêcher d'imaginer les conséquences terribles qu'une mauvaise décision pourrait avoir sur l'ensemble de ma vie, ne plus jamais retrouver de travail par exemple (oui, mes parents m'ont également transmis une propension à l'exagération très prononcée). Comme si une seule "erreur" pouvait tout anéantir, comme si avouer que je m'étais trompée était un crime.
De plus, après avoir fait de "hautes études" et travaillé en tant que "cadre", comment envisager un retour en arrière en prennant un emploi moins qualifié ? Il semble que ceci aurait un côté dégradant, pire encore si on a payé pour ces fameuses études.
Il me faudrait donc accepter qu'à 18 ans j'ai décidé de ce que serait toute ma vie.
Mais on vit quand l'instant présent alors ?
Je me sens aussi un peu coupable de me dire qu'à mon âge j'ai déjà besoin de faire une pause, de souffler, de voir autre chose, quand on a des exemples à la brouette de personnes n'ayant jamais lâché prise en plusieurs décennies de "carrière".
Pas facile à assumer...
D'un autre côté, avez-vous déjà essayé de postuler pour un emploi totalement différent du vôtre en vous appuyant sur vos acquis personnels par exemple ? Moi je l'ai fait - peut-être mal ! - et pour ces candidatures je n'ai jamais eu l'honneur de ne recevoir ne serais-ce qu'un email de refus. Rien. Nada. Que dalle. CV à Corbeille, next. Rassurant pour l'avenir... ou pas.
Prisonniers du plan de carrière, ce plan galère qu'on traine comme un boulet derrière soi pendant plus de 40 ans, est-ce là notre seul choix ? J'espère que non.
En attendant je reste sagement dans ma branche, je m'emmerde jour après jour, du lundi au vendredi, de 9h à 18h, je continue d'alimenter mes débats intérieurs, mais je cultive surtout l'espoir qu'un jour je réussirai à m'en sortir pour m'épanouir dans mon travail. Car ma vie n'est pas à mon employeur, elle est à moi et j'entends bien la réussir !